lundi 13 septembre 2010

On est tous un peu consternés par le monde

C’est aussi le rendez-vous 
des « foules sentimentales 
qui ont soif d’idéal » (NB : la fête de l'humanité) …

Alain Souchon. C’est-à-dire qu’on est tous un peu consternés par le monde comme il est. Consternés par la société ­d’hyperconsommation, de folie. Avoir des marques, des habits comme ceci, aujourd’hui, il y a une espèce de dépendance à l’argent qui est un peu moche, triste. Quand vous parlez avec des gens, le gars qui est intéressant c’est celui qui a du fric. Ce n’est pas : « Je voudrais être Jean-Paul Sartre, avoir le prix Nobel de littérature ou traverser l’Atlantique à la rame. » C’est « Je voudrais avoir du fric ! » Ce n’était pas comme ça avant. Qu’il n’y ait plus que le matériel qui compte, c’est tristounet.

Vous êtes quelqu’un de timide, de réservé… Qu’est-ce qui vous a poussé à vous mettre dans la lumière ?

Alain Souchon. C’est amusant, mais souvent les plus grands artistes sont timides. Et dans la timidité, ils ont cherché une façon de trouver le contact avec les gens. En tout cas, moi, ça s’est passé comme ça. Je ne peux pas rester isolé. J’avais envie des autres.

Laurent Voulzy dit volontiers 
de vous : « Moi, je vois le verre à moitié plein et Alain, le verre à moitié vide bien souvent. » Vous êtes d’accord ?

Alain Souchon. C’est un peu ça. J’ai une vision plutôt pessimiste, mais en même temps, j’aime le soleil, les filles qui ont des jupes transparentes et tout ça. Je ne suis pas un hyper-mélancolique noir dans mon coin. Mais le monde est navrant. C’est dans la nature humaine. Il y a une moitié des hommes qui veut tout posséder, et l’autre, au contraire, qui dit il faut partager, s’entraider. C’est la différence qu’il y a entre la droite et la gauche. La droite laisse aller à la nature, c’est-à-dire : « Je veux gagner plus, je veux être plus fort que toi. » La gauche, elle, il me semble qu’elle cherche à réguler un peu le côté sauvage qui est en nous, ce n’est pas la peine de se le cacher.

Vous considérez souvent 
ne pas être « un professionnel en quoi que ce soit ». C’est 
un peu paradoxal pour quelqu’un à qui tout semble avoir réussi ?

Alain Souchon. Je n’ai pas cherché à réussir. J’étais perdu, vous savez. Je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je me demandais ce que je faisais là. Rien ne m’intéressait si ce n’est les chansons, mais ça restait un passe-temps. Je ne me disais pas : « Je veux être Mick Jagger ou Léo Ferré. » Je faisais un peu de peinture, de menuiserie, des petits boulots pour gagner un peu de ronds. J’avais fait des études secondaires qui ne m’ont mené nulle part. Je n’avais pas de passion dévorante. Je me suis mis à faire des chansons vers l’âge de seize ans, des choses basiques, navrantes. Puis, je suis tombé très amoureux. Je me suis marié, j’ai eu un enfant. Ça a été une révolution dans ma vie. Je me suis dit qu’il fallait que je prenne les choses en main. J’ai fait des chansons que j’essayais de placer. C’est comme ça que j’ai écrit l’Amour 1830 pour Frédéric François. J’ai été voir des éditeurs, puis j’ai signé un contrat de disque chez RCA pour un album. C’est comme ça qu’on s’est connus avec Laurent, qui faisait les arrangements. C’est là qu’est née la chanson J’ai dix ans. Elle a eu du succès et c’est parti comme ça.

Extraits de l'entretien réalisé par V. Hache, paru dans l'Humanité le 11/09/2010.

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