dimanche 8 avril 2012

L'Affiche rouge

Voici la dernière lettre du résistant Missak Manouchian à son épouse.


21 février 1944, Fresne

Ma chère Méline, ma petite orpheline bien aimée. Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, j’y ne crois pas, mais pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire, tout est confus en moi et bien claire en même temps. Je m’étais engagé dans l’armée de la Liberation en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et de but. Bonheur ! à ceux qui vont nous survivre et goutter la douceur de la liberté et de la Paix de demain. J’en suis sûre que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoir dignement. Au moment de mourir je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit. Chacun aura ce qu’il meritera comme chatiment et comme recompense. Le peuple Allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous ! — J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendu heureuse. jaurais bien voulu avoir un enfant de toi comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre sans faute et avoir un enfant pour mon honneur et pour accomplir ma dernière volonté. Marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je lègue à toi et à ta sœur et pour mes neveux. Après la guerre tu pourra faire valoir ton droit de pension de guerre en temps que ma femme, car je meurs en soldat regulier de l’Armée française de la Liberation. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes ecris qui valent d’être lus. Tu apportera mes souvenirs si possibles, à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades toute à l’heure avec courage et serénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fais mal à personne et si je l’ai fais, je l’ai fais sans haine. Aujourd’hui il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que jai tant aimé que je dirai Adieu ! à la vie et à vous tous ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal où qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous à trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendu. Je t’embrasse bien bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaisse de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami Ton camarade Ton mari Manouchian Michel (djanigt).


P.S. Jai quinze mille francs dans la valise de la Rue de Plaisance. Si tu peus les prendre rends mes dettes et donne le reste à Armène. M.M.

samedi 4 février 2012

Lutte contre le cancer

Aujourd'hui, c'est la journée mondiale de lutte contre le cancer. Avant, je n'aurais jamais spécialement fait attention à cette date. Mais c'était avant. Aujourd'hui, c'est différent. J'ai une pensée très particulière pour tous les malades qui se battent contre cette maladie et pour leur famille également.

Il y a un mois, le 3 janvier, j'ai appris que mon frère avait un cancer de la vessie. J'ai reçu un coup sur la tête : je ne m'y attendais pas. Certes, les jours précédents, l'on m'avait bien dit que certains résultats n'étaient pas bons. Je crois même que j'avais lu sur internet qu'il y avait cette issue possible. Mais je ne voulais pas y croire, conservant un espoir certain pour mon frère. Là, il s'est brutalement éteint. J'étais sidérée, dans un état de choc et de grande tristesse à la fois. Le cancer n'est vraiment pas une maladie anodine. Au contraire, ce diagnostic, terrible, effraie tout de suite. Et je n'ose imaginer comment l'a reçu mon frère. J'avais très peur de le perdre, mon frère adoré, si gentil avec moi pendant toutes ces années d'enfance.

Je me suis interrogée, frappée par un profond sentiment d'injustice.
Pourquoi lui? Auparavant, je considérais toujours que dans ma famille, on était en bonne santé comparativement aux autres.
Pourquoi à cet âge? 30 ans, c'est bien trop jeune! L'âge moyen du cancer de la vessie est de 64 ans.
Pourquoi ? Alors qu'il n'a jamais fumé, qu'il n'a pas été exposé à des produits chimiques... Plusieurs facteurs cités comme responsables de ce cancer. Il me fallait trouver un responsable. Peut-être était-ce une forme génétique assez rare? Ou le destin, un mauvais karma...?
Ce n'était pourtant pas l'essentiel mais mon esprit gambergeait. Il s'agissait sans doute d'une étape pour pouvoir accepter cet état de fait et non la maladie, bien sûr.
Ainsi, je repensais à ces mois précédents. Après une 2ème opération (retrait d'un polype) en juin dernier, mon frère n'aurait-il pas dû subir un traitement précis (instillations de BCG par exemple) pour prévenir une récidive? Je remettais en question, en doute, la compétence de son jeune médecin. Cela ne servait à rien, c'était trop tard : mon frère avait cette maladie et c'est bien ce docteur qui allait l'opérer...

Mon frère allait devoir subir une très lourde opération chirurgicale, une ablation totale de la vessie entre autres, car son cancer en était à un stade très avancé. J'étais très inquiète, absolument pas rassurée et j'ignorais comment soutenir mon frère en cette période très difficile pour moi, mais évidemment surtout pour lui. Je ne savais pas comment il allait. Il fallait se montrer forte et normale : ce n'était pas facile. Je voulais lui transmettre du courage pour qu'il puisse affronter toutes ces épreuves. Je voulais qu'il sache que je pensais bien fort à lui.

La situation n'était pas du tout normale. J'étais très triste, je pleurais souvent. Le soir, j'éprouvais beaucoup de difficultés à m'endormir. Pendant la journée, des pensées m'assaillaient. Comme me l'a fait remarquer ma mère, ce n'était pas la période pour avoir un cancer (comme s'il y avait un bon moment). On nous souhaitait constamment une Bonne Année et souvent une bonne santé avec ou alors, il fallait présenter nos vœux. C'était dur car ça nous ramenait à la triste condition de mon frère. Il fallait malgré tout conserver un visage souriant, ne pas craquer. Dans les transports en commun, je devais faire une sale tête à certains moments.
Je voulais que mon frère guérisse vite mais je n'étais déjà même pas assurée qu'il puisse gagner son combat contre ce satané crabe.

Il s'est fait opérer le vendredi 13. Quelle date insolite! Était-ce à considérer comme un jour de chance ou de malchance? Pour moi, c'était très particulier. J'avais très peur qu'il ne se réveille pas ou qu'il survienne un problème quelconque. 6h ou plus, c'est une durée impressionnante! J'avais aussi lu que parfois quand le cancer est trop disséminé, les docteurs refusent d'enlever la vessie. Heureusement, tout s'est finalement bien déroulé et la tumeur a pu être retirée. J'étais donc évidemment soulagée. Une vessie artificielle avait pu être créée grâce à un morceau de l'intestin. Je pensais que c'était toujours mieux qu'une poche plastique collée sur le corps-même. Cependant, l'atteinte corporelle était définitive. Si cela pouvait sauver mon frère, je l'acceptais.

En lui rendant visite à l'hôpital, j'ai quand même déchanté. Il était dans un tel état : très fatigué et il semblait avoir très mal. Il était sous perfusion et il était très gêné par ses multiples sondes. Il n'avait pas le droit de boire une seule goutte d'eau alors qu'il en avait très envie. J'ai compris que son complet rétablissement demanderait du temps.
Tous les jours, je prenais de ses nouvelles par mes parents et tous les jours je guettais des signes encourageants, les moindres progrès. Un jour, j'ai appris les résultats de son analyse des ganglions retirés pendant l'opération. Ils n'étaient pas touchés donc concernant le pronostic vital, les chances de guérison sont bien meilleures dans ce cas. J'ai repris espoir.
De plus, ma 2ème visite fut plus rassurante pour moi. Mon frère allait mieux même s'il ne pouvait toujours pas manger normalement. En sortant, je me sentais un peu mieux.
2 semaines après son opération, quand il est enfin sorti de l’hôpital, j'étais soulagée. J’espérais que sa convalescence se passerait bien, qu'il reprendrait des forces et un bon moral.

A ce jour, il est toujours en convalescence, arrêté jusqu'à la fin du mois.
Courage mon frère et merci à C pour son soutien constant.

mercredi 26 octobre 2011

La perte d'un animal de compagnie

Je reviens sur ce blog pour un bref post. Je n'ai plus grand chose à y écrire d'intéressant donc je n'y reviendrai pas très souvent a priori comme vous l'avez déjà remarqué.

Je voudrais juste m'exprimer entre autres sur la perte de quelqu'un ou plutôt quelqu'une. La semaine dernière, mon hamster nain est mort. C'était une femelle du nom de Stella. Elle était magnifique. Elle est morte à 3 ans 2 mois, ce qui est un âge vénérable pour les animaux de son espèce qui ne vivent en général qu'entre 1 et 2 ans. Enfin c'est très étonnant pour moi, mais de la voir inanimée, cela m'a fait un choc terrible. J'ai été en quelque sorte sidérée. Il faut dire que je n'avais jamais eu auparavant d'animal de compagnie et on s'attache terriblement à ces petites bêtes si attendrissantes.
Au début, je ne pensais même pas qu'elle était vraiment morte et je voulais simplement croire qu'elle dormait. Elle était dans sa position habituelle quand elle dort. Là cependant, on ne pouvait pas percevoir son corps se soulever régulièrement sous l'effet de sa respiration régulière. Mais ça je ne l'avais pas encore réalisé réellement. En voulant la faire se déplacer, je n'ai bien évidemment pas réussi à la réveiller. Du coup, j'ai été submergée par une vague de tristesse. Oui tout a une fin, tous les êtres vivants. En cela, je me suis sentie encore plus proche de mon hamster. Je n'avais pas vraiment anticipé sa mort car quand elle a eu atteint ses 2 ans, je me disais que peut-être elle, elle ne serait pas comme les autres hamsters et qu'elle était exceptionnelle en ce sens qu'elle, elle vivrait beaucoup plus longtemps, de nombreuses années pleines de vie. De plus, voir un cadavre, si petit soit-il est une sensation très étrange. Décider ensuite voire très/trop rapidement de ce qu'il faut en faire n'est pas simple...

En tous cas, aujourd'hui elle me manque, mais je me sens déjà moins triste car j'ai pu faire une sorte de deuil si l'on veut. Repose en paix pour toujours.

jeudi 5 mai 2011

Haruki Murakami

Cette semaine "La Ballade de l'impossible" est sorti au cinéma. Ce film est adapté du roman de Haruki Murakami. Je l'ai lu il y a quelques années. Même s'il était agréable, ce n'était pas un de mes romans préférés de cet auteur et j'hésite encore à aller voir ce film. En tout cas, je recommanderai toujours de lire cet auteur puisque c'est un de mes écrivains favoris.

Voici donc un article du Monde Magazine que je viens de découvrir tout récemment avec notamment une interview intéressante de Murakami.

Haruki Murakami, écrivain universel

LE MONDE MAGAZINE | 11.02.11 | 18h52 • Mis à jour le 03.05.11 | 16h35

Haruki Murakami est un phénomène éditorial. C'est l'auteur japonais le plus lu et le plus traduit à travers le monde. Son dernier roman, 1Q84 (en trois tomes), s'est vendu à 4 millions d'exemplaires au Japon. En Corée du Sud, des éditeurs ont fait assaut de propositions toutes plus élevées les unes que les autres pour acquérir les droits de traduction, et depuis octobre 2010 circulent des traductions pirates en chinois.

Au total, une quarantaine de pays ont acquis les droits pour cette trilogie dont le premier tome sortira en français, au mois d'août, chez Belfond.

Pourtant, en dépit de ce succès et des rumeurs qui circulent chaque année sur la possibilité qu'il reçoive le prix Nobel de littérature, Haruki Murakami reste d'une surprenante simplicité – comme étranger à la figure littéraire qu'il est.

Ce n'est pas un homme de médias : il ne passe jamais à la télévision, n'aime guère les interviews et encore moins les photographies, dit-il, pour s'excuser d'avoir tardé à accorder cet entretien : "Si on commence, on n'arrête plus et ce n'est pas très passionnant", dit-il.

Dans son bureau, situé dans un petit immeuble du quartier bon chic bon genre d'Aoyama à Tokyo, c'est un Japonais d'une cinquantaine d'années qui nous reçoit, affable et souriant, en jean et pull-over, la barbe naissante, qui pourrait très bien être le patron d'un bar de jazz qu'il fut autrefois.

Par son ironie détachée, jamais malveillante, ses digressions imagées et ses métaphores, reflet de cette oscillation entre réalité et fiction qui caractérise son écriture, il esquisse le malaise de la société contemporaine sous une quiétude de surface. Il laisse souvent une phrase en suspens plutôt que refermer une question sur une réponse péremptoire – comme dans ses romans, finalement : "Je ne sais pas quand l'histoire s'achève mais je sais que pour moi elle est finie et j'arrête là."

RÉCITS PARALLÈLES

1Q84 est l'aboutissement littéraire du travail sur lui-même auquel l'ont conduit deux événements qui se sont produits à quelques mois de distance en 1995 : le séisme de Kobe (dont il est originaire) et l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo.

"Au fil des années, les fantômes personnels de ses héros ont cédé la place à ceux de l'histoire collective, les intrigues ont gagné en maturité mais la même musique légère, rythmée, envoûtante, continue à résonner de livre en livre", souligne Corinne Atlan, qui a traduit une dizaine de ses romans dont Sommeil, une nouvelle du recueil L'Eléphant s'évapore qui vient d'être publiée à part, dans une édition illustrée par le dessinateur allemand Kat Menschik (Belfond).

Elle entretient une tendresse particulière pour La Fin des temps (Seuil, 1992), "une œuvre des débuts, pleine de fraîcheur et de poésie, dans laquelle apparaît pour la première fois la structure de récits parallèles. Haruki Murakami a l'art de rendre lumineuse la langue japonaise pourtant réputée pour son ambiguïté. La transposition en français de cette écriture limpide qui prend souvent pour objet le vague, l'ombre, l'onirique, demande un travail 'en écho' et oblige parfois à des détours".

L'entremêlement des récits comme des hasards, le surgissement du fantastique au creux du quotidien : Haruki Murakami parle du monde contemporain, de son écriture, de lui-même avec une distance bienveillante – comme si ne comptaient vraiment que les choses les plus simples de la vie.


Votre dernier livre, 1Q84, évoque les deux drames qui ont secoué le Japon en 1995 – le séisme de Kobe et l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo par la secte Aum. Comme dans vos œuvres précédentes, nous pénétrons dans un monde dont le sens se dérobe mais qui résonne des problèmes de la société contemporaine. Est-ce exact ?

Haruki Murakami : A la suite de ces événements, puis de l'attentat du 11-Septembre, je suis devenu plus sensible aux problèmes de société. Le séisme de Kobe comme l'attentat d'Aum – des "bombes à retardement" que notre société a elle-même amorcées – marquent la fin d'une époque, celle d'un Japon au système social solide, rigide. Depuis, on ne peut plus penser le monde de la même manière et on doit être conscient du mal qui sommeille en chacun de nous.

Dans 1Q84, un des personnages est un extrémiste "illuminé" comme ceux d'Aum…

Ce qui m'intéressait, c'est l'instrumentalisation des aspirations de ses membres pour construire un empire souterrain à partir de chimères. A la suite de la "bulle spéculative", du séisme de Kobe et de l'attaque d'Aum, la quiétude qui régnait au Japon s'est évaporée. Le 11-Septembre n'a fait que confirmer la perte du socle sur lequel nous pensions nous tenir solidement. A cette impression de confiance s'est substituée celle du chaos.

En même temps, le système de communication et d'information était bouleversé par Internet. Nous vivons aujourd'hui dans la civilisation numérique, un monde submergé par la mondialisation, gavé d'informations et de signes, et il est de plus en plus difficile de discerner ce qui est juste ou non. A la mort des grands récits s'est ajoutée la déréalisation des rapports sociaux. Et il est aussi plus facile d'être manipulé.

D'où le clin d'œil du titre de votre livre à George Orwell : Q se prononce "kyu" en japonais, ce qui signifie aussi 9. 1Q84 se lit donc 1984…

La grande différence entre mon roman et l'œuvre d'Orwell tient au fait qu'il écrivait une histoire qui se déroulait dans le futur alors que moi, je recrée des événements passés qui marquent notre présent. En 1949, Orwell décrivait un système totalitaire. De nos jours, il n'y a plus de système à proprement parler, mais des situations qui évoluent d'un moment ou d'un lieu à un autre, s'enchaînent en un mouvement incessant dans lequel vacillent les repères. L'instabilité et la fluidité nous emportent.

En outre, de nos jours, contrairement au monde d'Orwell, le mal totalitaire avance masqué : il est plus insidieux, plus souriant, la morgue plus anonyme. Mais notre époque est aussi plus chaotique et, personnellement, je crois que l'on peut chercher une vérité dans ce chaos : rien n'est jamais blanc ou noir…

Qu'entendez-vous par "époque chaotique" ?

Les situations s'enchaînent sans logique apparente. Coïncidences, réalités et irréalités interagissent, se chevauchent et se confondent sans que la limite entre les deux soit claire : on ne sait jamais quand on la franchit. Il y a vingt ans, on me critiquait pour ce brouillage des repères entre réalité et irréalité. Mais beaucoup partagent désormais ce sentiment…

Ce qui est réel me semble parfois irréel, et inversement. Quand j'écris, j'écris ce qui me paraît réel, mais en fait, ce n'est pas forcément le cas. Lorsque j'ai vu les avions percuter les tours du World Trade Center, cela m'a semblé irréel : c'était une sorte d'hyperréalité, issue d'un travail infographique… Il n'y a pas de définition du réel. Ce que l'on prend pour tel est toujours faussement lisse. D'une situation anodine est toujours prêt à surgir l'irrationnel, l'absurde. Perpétuellement, quelque chose nous échappe…

Quand vous avez recueilli les témoignages des victimes de la secte Aum, pour Underground (1997, non traduit), vous avez quand même essayé de reconstituer une "réalité" ?

Ce que je voulais comprendre, c'est ce qu'elles avaient éprouvé. Peut-être n'était-ce pas la vérité, la réalité des faits, mais ce qu'elles reconstruisaient de cette réalité. Mais peu m'importait : ce que je désirais connaître, c'était "leur" histoire. Qu'elle soit vraie ou non. Si vous avez eu une grande frayeur dans une rue déserte une nuit, vous risquez de décrire l'individu qui vous a attaqué comme un homme fort, menaçant. En réalité, c'était peut-être un petit mec insignifiant. Mais vous l'avez "vu" grand et menaçant : c'est "votre" histoire. Et c'est celle que je veux entendre.

En tant que romancier, ce qui m'intéressait dans cette soixantaine d'interviews que j'ai faites des victimes d'Aum, c'était une "vérité collective", celle qui émerge de leurs récits. J'ai essayé d'entrer dans leur cœur, de sentir leur peine.

Vous avez traduit dans votre jeunesse des auteurs américains comme Fitzgerald, Irving, Chandler… Vous connaissiez mieux la littérature américaine que celle du Japon ?

Je me suis plongé dans cette littérature parce que j'aime le jazz : c'est ce qui m'a conduit à lire des auteurs américains. Ensuite, je me suis marié. Ma femme avait une riche bibliothèque de romans japonais, je me suis mis à les lire…

Et aussi Franz Kafka, dont le nom figure dans le titre d'un de vos livres, Kafka sur le rivage ?

C'est un auteur qui est très important pour moi. Je l'ai lu quand j'étais adolescent. J'ai été fasciné par son monde. Tranquille en surface et en même temps violent, irrationnel. Un monde chaotique, sans doute proche du mien. Quand je me suis rendu à Prague pour la première fois, j'ai été surpris par l'atmosphère de cette ville qui, soudain, me semblait si familière.

Vos romans sont généralement longs. Mais vous écrivez aussi des nouvelles.

Pour moi, l'expression longue est la meilleure. Quand j'étais jeune, j'aimais déjà les romans-fleuves, ceux de Tolstoï, Dostoïevski, Balzac, Dickens. Les nouvelles ? C'est amusant. Quand je suis fatigué, j'écris des nouvelles…

Lorsque vous commencez un roman, avez-vous en tête le déroulement de l'intrigue ?

Non. Quand je commence à écrire, je n'ai aucun plan. Ma tête est vide. J'avance à l'aveuglette dans mes propres ténèbres. Pour 1Q84, j'avais la première scène : dans un taxi pris dans les embouteillages à Tokyo en écoutant de la musique classique. Je ne sais pas ce qui va se passer dans mon roman. J'ai simplement confiance dans le fait que je pourrai le finir. J'ai confiance mais je n'ai pas encore d'histoire ! Aujourd'hui, j'ai écrit trois pages, je ne sais pas encore ce que ce sera. C'est excitant de ne pas savoir ce qui va se passer dans la fiction que vous êtes en train d'écrire. Je m'endors le soir avec les personnages en tête et, le lendemain matin, soudainement, ils sont prêts à s'animer. Je ne sais comment font les autres romanciers mais, pour moi, c'est ainsi.

Vous êtes sans doute le plus traduit des romanciers japonais et, en même temps, vous restez en marge de l'establishment littéraire. Par choix ?

J'ignore si c'est un choix. Simplement, je ne me sens pas appartenir au cercle littéraire japonais. Et je suis bien ainsi. Mon style est différent de ceux des auteurs japonais. Et je n'ai aucune envie d'être impliqué dans leurs activités. Je n'apparais pas à la télévision, je ne donne pas de conférence, je n'écris pas d'articles, je ne signe pas d'exemplaires de mes livres, je ne suis membre d'aucun jury littéraire… Je ne suis pas intéressé par faire autre chose qu'écrire. J'ai des amis musiciens, artistes, illustrateurs. Mais pas d'écrivains. Je suis un individu ordinaire qui écrit. Et puis, vous savez, je suis occupé : avec ma collection de disques, mes lectures, ma femme, mes chats, mes activités sportives, mon écriture, aller boire une bière… que sais-je ? Parfois, on me reproche de ne pas être "responsable socialement". Mais je pense que ma vraie responsabilité sociale est d'écrire des romans.

En février 2009, vous avez accepté le prix Jérusalem et dans votre discours de récipiendaire vous avez condamné la violence d'Israël contre la Palestine. Un engagement politique ?

J'ai accepté ce prix pour ne pas décevoir mes lecteurs israéliens. Il m'aurait été plus facile de refuser. Donc j'y suis allé et j'ai dit ce que j'avais à dire. Mais je trouve cela épuisant. Ce fut une expérience particulière dans ma vie.

Quel est, selon vous, le rôle d'un écrivain aujourd'hui ?

Ecrire de bons livres. Cela fait des milliers d'années que des conteurs ou des romanciers racontent des histoires. Elles ont pour but d'aider les gens à trouver un sens, à structurer leur esprit. On vit dans un monde chaotique, violent. Pour survivre, il faut essayer de se donner des valeurs repères. Autrefois, à l'âge des cavernes, il y avait un conteur qui racontait des histoires et l'auditoire était emporté ailleurs et peut-être amené à réfléchir, à conserver l'espoir que le jour allait bientôt venir. Je pense toujours aux profondes ténèbres qui nous entourent quand j'écris un roman. Bref, je crois au pouvoir des bonnes histoires. Une fiction peut aider à révéler une parcelle de vérité.

Vos romans sont lus à travers le monde. Mais, à part le plaisir qu'ils procurent au lecteur, qu'est-ce qu'ils apportent de plus ?

Difficile à dire. Mes personnages sont des gens ordinaires, mes lecteurs le sont aussi et je le suis également. C'est sans doute cette connivence qui explique que je sois lu. Ce que j'apporte ? Quelque chose en partage. Par exemple, mon dernier roman a été lu par un million de Chinois alors que Pékin et Tokyo s'affrontent pour des questions territoriales. Cela veut dire que des millions de Chinois et de Japonais partagent quelque chose par l'entremise de ce livre.

Beaucoup d'écrivains japonais, en tout cas de la génération précédente, ont insisté sur les traits particuliers de leur culture. Ce n'est pas votre cas. En quoi vous sentez-vous japonais ?

Etre japonais, je ne sais pas ce que cela signifie. Je suis japonais de nationalité. Mes parents sont japonais. Je suis né ici. J'écris en japonais. J'aime les sushis… A part cela, je ne sais pas. J'ai découvert que j'étais japonais lorsque je vivais aux Etats-Unis où l'on me renvoyait sans cesse une image : celle d'"écrivain japonais". Est-ce si important ? Sans doute la manière de penser, de regarder un paysage sont-elles marquées par une culture. Mais je ne pense pas que clarifier la différence soit si essentiel. C'est le message qui l'est – au-delà des particularités réelles ou supposées d'une appartenance culturelle.

Propos recueillis par Philippe Pons


Parcours

1949 Haruki Murakami naît le 12 janvier à Kyoto.
1974 Il ouvre un club de jazz à Tokyo.
1979 Son premier roman, Ecoute le chant du vent, reçoit le prix Gunzo.
1988 Il voyage en Europe, puis s'établit aux Etats-Unis. Chroniques de l'oiseau à ressort (1992-1995. Seuil, 2001), prix Yomiuri.
1995 Retour au Japon. Après le tremblement de terre (1999. 10/18, 2002).
2006 Kafka sur le rivage (2002. Belfond, 2006) reçoit le prix Kafka.
2011 1Q84, à paraître en août chez Belfond. Sortie en salles de La Ballade de l'impossible, adapté par le cinéaste Tran Anh Hung.

dimanche 13 février 2011

Opération de la myopie

Je reviens sur ce blog que j'ai quelque peu délaissé ces temps-ci. Je suis assez occupée au quotidien et puis surtout je ressens moins le besoin d'écrire. Donc à l'avenir, je pense que je ne posterai que très peu de billets.
Aujourd'hui, j'ai juste envie de témoigner brièvement sur un événement particulier. J'ai en effet subi une opération de la myopie début janvier. Je ne le regrette vraiment pas! Cela change la vie.

Au début, je ressentais de la crainte par rapport à l'opération en elle-même. Une opération chirurgicale n'est jamais anodine. Je me disais également que cela pouvait ne pas marcher car le résultat n'est pas garanti à 100% comme nous le précise bien le chirurgien avant l'intervention. Donc payer très cher pour au final avoir besoin de porter quand même lunettes ou lentilles, c'est stupide... Encore plus, si l'on devient aveugle car il y a évidemment certains risques qu'on ne peut nier.

Cependant, je souhaitais ardemment me débarrasser de mes lentilles car j'avais de plus en plus de mal à les supporter. J'avais souvent des larmes donc je ne voyais pas bien. Dans ce cas, il fallait que je change de lentilles, ce que j'avais fait plusieurs fois auparavant. Les miennes, semi-rigides, coûtaient extrêmement cher. Tout comme les produits d'entretien qui allaient avec. De plus, j'éprouvais une certaine lassitude à mettre mes lentilles chaque matin ou presque. Au début certes, j'avais été bien contente de consacrer ce temps car j'avais apprécié de ne plus avoir à porter de lunettes. Je portais des lunettes depuis la primaire donc vous imaginez la myopie que j'avais.

Bref, depuis la fin de l'année dernière, j'étais décidée à me faire opérer. Je savais que ma vue n'avait plus bougé depuis trois ans. J'ai donc choisi une mutuelle en prévision de cette opération. Cette mutuelle est déductible de mon chiffre d'affaire comme je travaille dans le paramédical, c'est pratique. De plus, je me suis fait rembourser 800 euros (400 euros par oeil) ce qui n'est pas rien. Bien sûr, l'opération en elle-même coûtait bien plus cher.
J'ai ensuite rencontré mon ophtalmologue qui m'a recommandé un chirurgien dans un centre qu'elle connaissait.

J'ai pris un 1er rendez-vous dans ce centre en décembre. J'ai eu droit à un bilan complet : examen de la vue, des yeux... grâce à diverses machines très modernes et techniques que je ne saurais nommer. Puis, j'ai vu le chirurgien qui m'a déclaré que je pouvais me faire opérer. Là, ce fut un réel soulagement pour moi! En effet, je savais que certaines personnes qui possèdent une cornée trop fine ne peuvent subir une opération de chirurgie réfractive. Par contre, le chirurgien m'a dit que je ne pourrais subir une opération lasik car ma cornée était trop bombée. J'étais un peu déçue car il m'a prévenue que ce serait plus douloureux et surtout que ma vue ne serait au mieux qu'un mois seulement après l'opération! Alors qu'avec la méthode du lasik plus moderne c'est moins douloureux et surtout on voit très bien extrêmement rapidement.
Bref, en sortant j'ai tout de suite pris rendez-vous pour l'opération car j'étais quand même bien motivée. Évidemment, je n'ai pas pu avoir une date pendant les vacances de Noël, ce qui m'aurait arrangée donc j'ai pris rendez-vous pour début janvier.

Le jour de l'opération est arrivé et avec, l'angoisse pour moi... Mais tout s'est très bien passé : l'opération avec le laser de surface s'est parfaitement déroulée. Elle n'a duré que quelques minutes à peine. Je n'ai pas eu mal du tout grâce aux gouttes anesthésiantes. Puis, je suis rentrée chez moi. Enfin on m'a raccompagnée car c'était très recommandé. Je me suis bien reposée dans le noir pendant plusieurs longues heures. Ce moment a été le plus pénible. Je n'avais pas encore le droit de mettre les gouttes prescrites. Par contre, je sentais de plus en plus mes yeux douloureux, un peu comme si j'avais du sable ou quelque chose dedans. J'avais donc pris un médicament prescrit pour ne pas avoir mal. Malheureusement, je ne l'ai pas supporté donc j'ai même vomi. Dans une bassine certes mais ce n'est jamais agréable. Surtout, j'avais toujours les yeux douloureux. Puis, j'ai pu soulager mes yeux avec les gouttes donc ça allait mieux. Le lendemain déjà, je n'avais plus mal mais je ne voyais pas bien du tout donc je m'ennuyais terriblement. Je me demandais si j'allais récupérer ma vision. Heureusement, j'étais en congé car j'avais pris 4 jours. J'ai pu bien me reposer puis peu à peu ma vision s'est améliorée. J'ai continué à mettre mes collyres et tout s'est bien passé. Quand j'ai repris le travail, ma vue n'était pas parfaite mais ça allait néanmoins. Puis ma vision a encore progressé.

La semaine dernière, j'ai fait la visite de contrôle. Mes yeux ont très bien cicatrisé et surtout j'ai 10/10 de vision! Donc pour moi ce fut une vraie réussite. J'espère juste que ma vue ne va pas rebaisser tout de suite. Pour le moment, j'en profite et c'est bien agréable. Bravo aux progrès techniques.

lundi 20 décembre 2010

Un mois

Cela fait un mois tout juste que nous avons emménagé : l'occasion de faire le point ici.

Tout s'est bien passé même si les divers déménagements furent épuisants.
Rien de particulier donc à signaler si ce n'est que je suis bien contente.
Il n'a pas été difficile de s'habituer au nouvel appartement : je pense que c'est parce qu'il est vraiment bien. Je ne regrette donc pas de l'avoir acheté malgré le chemin semé d'embûches. Au contraire, avec le recul, je considère encore plus la chance que j'ai par rapport à bien des personnes. La chance d'avoir pu l'acheter, de l'avoir trouvé quasiment du premier coup (en ce qui concerne les visites)... Entre les gens qui n'ont pas les moyens et qui ne pourront jamais rien s'acheter, ceux qui ont beaucoup de difficultés à trouver en ce moment à cause de la hausse des prix immobiliers et de la raréfaction des biens à vendre, je mesure tout à fait cette chance que j'ai...

A vrai dire, c'était un réél coup de cœur de ma part. Cet appartement répondait à tous nos critères (taille, prix, géographie, état général...) mais il possède quelque chose en plus : une vue extraordinaire. En fait je n'avais jamais rêvé d'habiter un appartement avec une vue comme ça. Je crois que je ne pensais même pas que c'était possible pour moi! De plus, avec les travaux et le mobilier, il a vraiment fière allure. Evidemment tout n'est pas rose car ce rêve a un coût donc j'espère que tout se passera bien surtout au niveau financier (remboursement des prêts, paiements des charges...).

Voilà, je pense que si l'on a un projet, il ne faut pas hésiter à se lancer dans l'aventure car cela vaut vraiment le coup. A condition que ce projet ne soit pas complètement irréalisable bien sûr. Il est certain également qu'il est bien plus facile d'être à plusieurs pour le réaliser.
Me concernant, j'ai l'impression que j'avance dans ma vie. Je commence quelque peu à oublier la partie la plus sombre de celle-ci. Et cela je le dois surtout à une personne qui se reconnaîtra.

A la prochaine

mercredi 27 octobre 2010

Le point

Je vais mieux depuis le dernier post. Je sais bien que celui-ci n'est pas terrible en lui-même : mais cela m'a permis de sortir ce que j'avais sur le coeur à un instant i.

Entre temps, j'ai pu revoir ma patiente qui était hospitalisée depuis plus d'un mois. Je l'ai revue la semaine dernière jeudi 21 octobre et plusieurs fois depuis. Cela me fait très plaisir! J'essaye de la voir en séance 3 fois par semaine enfin c'est assez difficile quand même de lui retrouver de la place. En effet, entre temps j'ai donc eu de nouveaux patients. Au moins, c'est bien pour les domiciles : cela veut dire que je ne chôme pas. Bref, j'essaye de voir comment elle va depuis son malaise et si elle s'en remet bien. Sachant que son médecin est parti en vacances et que je l'ai vu, je tiens un peu la garde : je pourrais le prévenir si ma patiente ne se sent pas bien du tout. Je veux vraiment qu'elle fête son anniversaire début novembre dans de bonnes conditions surtout qu'elle aura 90 ans. Enfin fêter est un bien grand mot et je ne suis même pas sûre qu'elle se souvienne de la date exacte.
Vraiment de la revoir après tout ce temps, je réalise combien elle m'a manqué et surtout combien je me suis attachée à elle. Je ne saurais vraiment dire pourquoi : peut-être parce que c'est une personne agréable et également toujours souriante. Ainsi elle a toujours le sourire quand elle m'aperçoit alors même que je constate que sa vie ou du moins sa fin de vie n'est guère facile. Elle n'a plus de famille proche, sa fille est internée depuis longtemps... Elle passe donc tout son temps seule à son domicile. Elle ne sort jamais. Enfin sans doute y a-t-il pire comme vie. En tous cas, j'aurais bien aimé avoir une grand-mère comme elle (je peux me permettre d'écrire cela, sachant que je n'ai jamais connu les miennes).

D'autre part, les travaux de notre appartement avancent. Donc je commence à saisir que nous allons enfin pouvoir bientôt y vivre. Après les histoires de prêts bancaires, de report de date de signature, de travaux acharnés, mon rêve ou plutôt notre rêve se concrétise! Ca c'est fabuleux :)

vendredi 15 octobre 2010

Cela fera bientôt deux mois que j'ai repris le travail après mes vacances d'été. Mes journées se passaient plutôt bien en fait donc je n'avais rien de particulier à signaler ici.

J'aurais néanmoins pu écrire une note concernant une patiente assez âgée qui a fait un malaise début septembre. N'ayant pas eu de ces nouvelles depuis plusieurs jours , j'étais particulièrement inquiète. Je craignais qu'elle ne soit décédée. Quel ne fut pas mon soulagement quand j'ai finalement appris qu'elle était à l'hôpital! Elle était censée sortir prochainement mais depuis je n'ai toujours pas eu de nouvelles donc cela commence à m'angoisser, surtout que j'aimerais bien lui rendre visite. Cette personne est vraiment très charmante donc je m'entendais vraiment bien avec elle. J'espère sincèrement qu'elle se rétablit bien et qu'elle sortira bientôt!

D'autre part, en ce moment j'en ai ras le bol des gens qui ne viennent pas aux rendez-vous et qui ne préviennent bien entendu pas de leur absence: ça m'agace franchement.
Le plus fort est arrivé mercredi: je croise par hasard une maman dans la rue vers 13h30. Elle m'apostrophe bruyamment pour me redemander si c'est bien à 14h30 ce même jour que je vois son enfant. C'est un de mes nouveaux patients donc je lui confirme. A l'heure dite, personne... Etonnée et n'ayant toujours pas eu de ses nouvelles, je l'appelle un peu plus tard. Elle me sort une explication alambiquée selon laquelle son fils se serait blessé en faisant du vélo. Bien sûr, pas une minute elle n'a pensé à m'appeler alors même qu'on s'était croisée juste avant l'heure du rendez-vous... Encore, j'aurais pu plus croire ce qu'elle me racontait si son fils n'avait pas déjà manqué un rendez-vous il y a deux semaines soit la dernière fois que nous étions censés nous voir. Depuis, cette mère de famille était passée au cabinet mercredi dernier pour s'excuser de l'absence de son fils et reprendre un rendez-vous pour la semaine prochaine. Du coup, évidemment cela fait perdre une semaine car quand j'avais proposé de prendre son fils mercredi dernier, elle n'avait pas voulu. Elle n'avait apparemment pas prévu et compris que les séances s'effectuaient à la même heure d'une semaine sur l'autre. Voila donc on verra si la semaine prochaine son fils viendra!

Sinon, dans le même genre, j'ai un patient dont le fils n'est pas venu pendant deux séances d'affilée. Aujourd'hui, il appelle enfin pour prévenir que son fils ne pourra pas être présent. Je pense qu'enfin ce père me prévient donc c'est un bon point pour lui même s'il ne s'excuse pas pour ses absences précédentes. Erreur!
J'en profite pour lui demander une ordonnance d'un médecin pour que je puisse faire passer un bilan de renouvellement à son fils. En effet, il ne reste que des séances jusqu'au 28 octobre. Après, à partir du 3 novembre je pourrais toujours commencer ce bilan mais ensuite une fois qu'il sera fait (en plusieurs fois bien sûr) je ne pourrais pas prendre son fils en charge. En effet, nous travaillons toujours avec des médecins: ce sont eux qui nous envoient les patients grâce à une ordonnance. Nous faisons alors passer un bilan pour déterminer si le patient a besoin d'une rééducation (le compte-rendu de bilan étant toujours adressé au médecin prescripteur). Ensuite si l'on se trouve dans ce cas de figure, nous pouvons effectuer une prise en charge de 30 séances puis même les renouveler une fois par 20 soit 50 séances en tout (pour la plupart des actes concernant les enfants). Cet enfant a donc eu 50 séances c'est donc le moment de faire le point sur l'évolution de son langage.
Alors à ce moment, ce monsieur ne semble pas comprendre que j'ai besoin d'une ordonnance médicale. Donc je lui explique calmement comment cela marche. Là, il commence à m'engueuler enfin c'est sans doute un terme un peu fort. Mais disons qu'il me reproche de ne pas l'avoir prévenu plus tôt! Personne ne m'avait encore fait ça. Chacun peut aller voir un médecin et même si ça dérange sans doute un peu certains patients ou parents de mes patients, ils acceptent sans problème. Là, ce père me dit que j'aurais du le prévenir plus tôt, il me demande pourquoi je ne l'ai pas fait. D'accord, j'aurais peut-être pu le faire plus tôt mais je n'ai pas que son fils comme patient. J'en ai beaucoup d'autres et il faut aussi que je pense à de nombreuses choses dont les paiements, les bilans, les renouvellements de bilans, les demandes d'entente préalable, les compte rendus, la préparation des séances...
Bref, cette personne est assez agressive, ce qui me place dans une situation très inconfortable. Très désagréable aussi. Je lui explique bien que je comprends qu'il peut y avoir des délais d'attente pour obtenir un rendez-vous surtout dans une PMI mais qu'il peut voir un autre médecin. Il me réplique que non, qu'il ne veut pas changer de médecin si c'est un certain médecin qui suit son fils. Pourtant, je pourrais très bien envoyer le compte rendu du futur bilan aux deux médecins donc à ce médecin de PMI même si ce n'est pas lui qui a prescrit le bilan. Enfin, voila il me déclare qu'il va contacter le médecin pour que celui-ci m'envoie un mail ou qu'il se débrouille avec moi. Il n'a pas compris que les ordonnances se font uniquement sur rendez-vous. Enfin donc on verra ce qu'il se passera. La suite au prochain épisode!

samedi 25 septembre 2010

L'Ombre du vent - Carlos Ruiz Zafón

Un merveilleux livre qui m'a vraiment enchantée quand je l'ai lu il y a quelques mois. Je le recommande vivement.
Ce livre est d'ailleurs devenu un best-seller mondial avec plus de 12 millions de lecteurs de par le monde, depuis sa publication en 2001.

En fait, résumer l'histoire est complexe : disons qu'il y est question de livres maudits et de leur auteur, d'un personnage qui les brûlent , d'une histoire d'amour, d'une étrange disparition...

Voici la 4ème de couverture qui ne m'avait pourtant pas particulièrement attirée au départ!

Dans la Barcelone de l'après-guerre civile, " ville des prodiges " marquée par la défaite, la vie est difficile, les haines rôdent toujours.
Par un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon - Daniel Sempere, le narrateur - dans un lieu mystérieux du quartier gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. L'enfant, qui rêve toujours de sa mère morte, est ainsi convié par son père, modeste boutiquier de livres d'occasion, à un étrange rituel qui se transmet de génération en génération : il doit y " adopter " un volume parmi des centaines de milliers.
Là, il rencontre le livre qui va changer le cours de sa vie, le marquer à jamais et l'entraîner dans un labyrinthe d'aventures et de secrets " enterrés dans l'âme de la ville " : L'Ombre du Vent. Avec ce tableau historique, roman d'apprentissage évoquant les émois de l'adolescence, récit fantastique dans la pure tradition du Fantôme de l'Opéra ou du Maître et Marguerite, énigme où les mystères s'emboîtent comme des poupées russes, Carlos Ruiz Zafon mêle inextricablement la littérature et la vie."


Ce roman mystérieux et poétique constitue un fabuleux récit fantastique. L'intrigue fascinante nous tient constamment en haleine. C'est également un joli récit d'initiation. Il est en effet narré par un enfant qui grandit progressivement au fil de l'histoire. L'atmosphère est envoûtante et les personnages authentiques. L'écriture est soignée. Bref, tous ces éléments réunis expliquent pourquoi ce livre est assez exceptionnel! Rares sont les livres qui nous ensorcellent comme celui-là, il faut bien l'avouer!

lundi 13 septembre 2010

On est tous un peu consternés par le monde

C’est aussi le rendez-vous 
des « foules sentimentales 
qui ont soif d’idéal » (NB : la fête de l'humanité) …

Alain Souchon. C’est-à-dire qu’on est tous un peu consternés par le monde comme il est. Consternés par la société ­d’hyperconsommation, de folie. Avoir des marques, des habits comme ceci, aujourd’hui, il y a une espèce de dépendance à l’argent qui est un peu moche, triste. Quand vous parlez avec des gens, le gars qui est intéressant c’est celui qui a du fric. Ce n’est pas : « Je voudrais être Jean-Paul Sartre, avoir le prix Nobel de littérature ou traverser l’Atlantique à la rame. » C’est « Je voudrais avoir du fric ! » Ce n’était pas comme ça avant. Qu’il n’y ait plus que le matériel qui compte, c’est tristounet.

Vous êtes quelqu’un de timide, de réservé… Qu’est-ce qui vous a poussé à vous mettre dans la lumière ?

Alain Souchon. C’est amusant, mais souvent les plus grands artistes sont timides. Et dans la timidité, ils ont cherché une façon de trouver le contact avec les gens. En tout cas, moi, ça s’est passé comme ça. Je ne peux pas rester isolé. J’avais envie des autres.

Laurent Voulzy dit volontiers 
de vous : « Moi, je vois le verre à moitié plein et Alain, le verre à moitié vide bien souvent. » Vous êtes d’accord ?

Alain Souchon. C’est un peu ça. J’ai une vision plutôt pessimiste, mais en même temps, j’aime le soleil, les filles qui ont des jupes transparentes et tout ça. Je ne suis pas un hyper-mélancolique noir dans mon coin. Mais le monde est navrant. C’est dans la nature humaine. Il y a une moitié des hommes qui veut tout posséder, et l’autre, au contraire, qui dit il faut partager, s’entraider. C’est la différence qu’il y a entre la droite et la gauche. La droite laisse aller à la nature, c’est-à-dire : « Je veux gagner plus, je veux être plus fort que toi. » La gauche, elle, il me semble qu’elle cherche à réguler un peu le côté sauvage qui est en nous, ce n’est pas la peine de se le cacher.

Vous considérez souvent 
ne pas être « un professionnel en quoi que ce soit ». C’est 
un peu paradoxal pour quelqu’un à qui tout semble avoir réussi ?

Alain Souchon. Je n’ai pas cherché à réussir. J’étais perdu, vous savez. Je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je me demandais ce que je faisais là. Rien ne m’intéressait si ce n’est les chansons, mais ça restait un passe-temps. Je ne me disais pas : « Je veux être Mick Jagger ou Léo Ferré. » Je faisais un peu de peinture, de menuiserie, des petits boulots pour gagner un peu de ronds. J’avais fait des études secondaires qui ne m’ont mené nulle part. Je n’avais pas de passion dévorante. Je me suis mis à faire des chansons vers l’âge de seize ans, des choses basiques, navrantes. Puis, je suis tombé très amoureux. Je me suis marié, j’ai eu un enfant. Ça a été une révolution dans ma vie. Je me suis dit qu’il fallait que je prenne les choses en main. J’ai fait des chansons que j’essayais de placer. C’est comme ça que j’ai écrit l’Amour 1830 pour Frédéric François. J’ai été voir des éditeurs, puis j’ai signé un contrat de disque chez RCA pour un album. C’est comme ça qu’on s’est connus avec Laurent, qui faisait les arrangements. C’est là qu’est née la chanson J’ai dix ans. Elle a eu du succès et c’est parti comme ça.

Extraits de l'entretien réalisé par V. Hache, paru dans l'Humanité le 11/09/2010.