vendredi 23 avril 2010

Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil - Haruki Murakami

C'est un livre que j'ai lu récemment et que je recommande car il m'a bien plu. Ceci étant, je ne pense pas qu'il puisse plaire à tout le monde.

Certains pourraient trouver qu'il ne se passe pas beaucoup d'événements dans ce roman. Il s'y déroule en effet peu d'événements marquants en soi car il s'agit surtout d'une histoire banale relatant une grande partie de la vie du narrateur: un dénommé Hajime. Il y raconte son évolution de son enfance à sa vie d'adulte. On suit notamment ses différentes rencontres avec des filles ou des jeunes femmes. La première avec Shimamoto-San quand il n'avait que 12 ans, est assurément celle qui l'a le plus marqué. Il l'a perdue de vue il y a très longtemps. Alors quand finalement il la retrouve de nombreuses années après, il éprouve un grand bonheur. Quelque part, il s'est toujours demandé ce qu'elle était devenue.

Le problème c'est qu'il a enfin réussi à construire sa vie: il est marié, il aime sa femme,il a deux petites filles et il gère deux bars de jazz qui marchent très bien. Donc sa vie devient tout à coup bien compliquée d'autant plus que cette Shimamoto-San paraît elle-même bien mystérieuse, avec ses propres problèmes. D'ailleurs on se demande vraiment à quoi conduira le déséquilibre créé par ces retrouvailles.

Ce roman est fictif et simple mais on sent qu'y affleurent constamment des sentiments et des interrogations bien réels. On reconnaît bien là l'univers de l'auteur, même si Murakami n'a cette fois pas employé de touche fantastique comme à son habitude. On peut peut-être le regretter. Le texte est toutefois très beau car il en émane une certaine gravité, une certaine nostalgie. Il y a également de l'érotisme: toutefois un peu trop à mon goût.

En tous cas, on peut être amené à s 'interroger sur les choix qu'on a fait ou qu'on n'a pas fait. On se pose des questions existentielles tout comme le narrateur. Par exemple, si à un moment précis quelques années avant leurs retrouvailles, Hajime avait osé parler à Shimamoto-San ou à la personne qui lui ressemblait, l'histoire en aurait été sans doute complètement changée. Finalement il y a des tas de destinées parallèles qui peuvent nous échapper et dont on n'a pas forcément conscience.
Bref, en résumé ce fut une lecture agréable.

Voici un extrait:

p85:
"Notre monde est comme ça. Quand il pleut, les fleurs poussent, et quand il ne pleut pas, elles fanent. Les lézards mangent les insectes, et sont mangés par les rapaces. Mais tous finissent par mourir et se dessécher. Une génération disparaît, une autre prend sa place. C'est une règle absolue. Il y a différentes façons de mourir. Mais c'est sans importance. La seule chose qui reste en fin de compte, c'est le désert.
Après son départ, je demeurai seul accoudé au bar à boire verre sur verre - même une fois les derniers clients partis, même une fois que les employés eurent fini de ranger et de faire le ménage, et furent partis à leur tour. Je téléphonai à ma femme, lui dis que j'avais encore des affaires à régler et que je rentrerai plus tard que d'habitude. J'éteignis toutes les lumières et continuai à boire du whisky dans le noir. Je le bus sec, c'était trop compliqué d'aller chercher les glaçons.
« Oui, tout finit par mourir, me dis-je. Certaines choses disparaissent comme tranchées d'un seul coup sec, d'autres se brouillent peu à peu et s'en vont avec le temps. Et il ne reste que le désert."

vendredi 2 avril 2010

Wislawa Szymborska – Trois mots étranges

Quand je prononce le mot Avenir,
Sa première syllabe appartient déjà au passé.

Quand je prononce le mot Silence,
je le détruis.

Quand je prononce le mot Rien,
Je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant.

(1996)